soi sur bonne vie merci moi france place google monde infos coup soi jeux chez homme enfants article amis maison travail histoire centre internet machine message bleu carte livre jeux
Rubriques
>> Toutes les rubriques <<
· CULTURE (67)
· L'ACTUALITE (65)
· JARDIN (80)
· LA LECTURE (114)
· HUMEUR,HUMOUR ! (47)
· LES SCIENCES (85)
· RELIGION (65)
· HISTOIRE DE LA FAMILLE (47)
· PRIER (70)
· POESIE (62)
dans nos députés beaucoup ne servent à rien ,qu il soit de droite d'extrême droite ou la bande à mélenchon
Par Anonyme, le 28.08.2025
le"systême" s'est mis en place il y a logtemps à sept-fonds. deux "jeunes"moines , vers les années 7o, s'étaie
Par Yon, le 21.07.2025
merci frère de votre courage à nous partager votre souffrance. je vous prends dans la prière.
pers onnellemen
Par Anonyme, le 17.07.2025
ouedraogo,jose ph
Par Anonyme, le 31.08.2024
+229 95 67 77 26 retour d'affection immédiat
l e grand maître spirituel gambada djogbe apporte une aide pré
Par lutter-contre-coro, le 18.08.2024
· MILLARDAIRES
· SAINT JOSEPH ,PERE.PAR LE PAPE.
· lES EMIRATS ARABE UNIS
· FORUM DE DAVOS
· LA VAGUE VERTE
· LA TURQUIE
· ALLOCATIONS FAMILIALES
· ELECTIONS AMERICAINES
· ELECTIONS
· AVEC MACRON ?
· LES PARASITES
· MARITAIN
· 1200MILLARDS DE DOLLAR SUR LES INFRASTRUCTURES
· LAFILIERE
· LE CORAIL
Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
12.12.2025
12184 articles
Enquête
Article réservé à nos abonnés.
Comment notre hyperconnexion transforme notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes, se demande cette semaine « La Croix-L’Hebdo ». Emile Loreaux pour La Croix-L’Hebdo / Émile Loreaux
Nous sommes toujours plus connectés. Les yeux rivés sur nos écrans, les doigts collés à nos claviers, le cerveau bombardé d’infos et de données. Libres, vraiment ? En cette rentrée, L’Hebdo met un coup de projecteur sur nos usages numériques et leurs effets sur nos vies.
Le trop-pleinL’anecdote peut sembler banale. Elle ne l’est pas tant que ça. Nous sommes au début de l’été, à Paris. Le temps des kermesses, des spectacles de fin d’année, des soirées ensoleillées, et au boulot, du dernier coup de cravache avant les vacances. Le temps du bonheur ? En tout cas, en cette fin juin, entre les derniers bouclages et l’agenda des enfants, les sollicitations pleuvent et mon téléphone est pris d’assaut.
Les notifications tintent, les messages tombent comme à Gravelotte, du plus léger, « pour la fête, j’apporte un gâteau », au plus sérieux, l’inscription au collège ou le planning des visites de ma cousine à l’hôpital. Je ne sais plus où donner de la tête, ma charge mentale est à son comble.
Alors quand apparaît une énième liste sur mon fil WhatsApp pour la soirée d’un ami et que commence l’avalanche des commentaires, je dis stop. Je quitte le groupe et lui envoie un texto : « Je viendrai avec plaisir à ta fête mais je suis partie de la liste car je suis noyée de messages. » Cling. Sa réponse tombe dans la seconde. Elle est cinglante. « Ce n’est pas bien d’être partie du groupe, me répond mon ami. Ça fait moche. Il vaut mieux se mettre les notifications en silencieux. »
Je suis soufflée. C’est quand même mon téléphone ! Et ma charge mentale ! Mais je dois me rendre à l’évidence : à l’ère de l’hyperconnexion, je suis prise au piège. Soit condamnée au trop-plein, envahie de sollicitations qui m’étouffent ; ou bien, poussée à blesser un ami. Une charge mentale en remplace une autre, pas d’échappatoire.
Pourquoi nous l’avons fait
Ce dossier est né d’une saturation. Trop d’e-mails, de messages Teams, de notifications, LinkedIn, Pronote, WhatsApp et leur avalanche de sollicitations. « Un déluge de signes, textes, images, sons », écrit Bruno Patino, le président d’Arte dans un livre au titre évocateur, Submersion(1). Nous touchons notre téléphone mobile 600 fois par jour, relève-t-il.
Et d’après un récent rapport de Microsoft, les employés « sont interrompus en moyenne toutes les deux minutes »par des réunions, e-mails ou notifications (1). J’en fais partie et je me sens parfois submergée. D’où l’envie d’enquêter, pas sur les enfants, comme c’est souvent le cas, mais sur nous, les adultes.
Chacun le pressent, cette hyperconnexion – si récente dans l’histoire ! – n’est pas anodine. Elle nous transforme, bouscule notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Comment ? Jusqu’où ? Et pourquoi ce sentiment d’impuissance, alors que nous sommes conscients des enjeux ? En mêlant témoignages et regards d’experts, L’Hebdo part cette semaine en quête de repères sur la folie numérique. Pour aider chacun à trouver l’équilibre.
(1) Microsoft Work Trend Index Annual Report, 2025
Ce n’est, bien sûr, qu’une anecdote. Mais elle est révélatrice. Elle raconte le sentiment de malaise diffus qui gagne nos sociétés modernes, aux prises avec ce que Bruno Patino appelle la « submersion ».En 2023, le président de la chaîne franco-allemande Arte, un des pionniers du journalisme numérique, a choisi ce mot éloquent pour titre du dernier livre de sa trilogie sur l’hyperconnexion contemporaine (1).
Aux premières loges du phénomène, au tournant des années 2000, le journaliste a vite compris l’importance des évolutions en cours, non seulement pour l’avenir des démocraties, mais aussi le bien-être des personnes. « Je travaillais au journalLe Monde lorsqu’on a lancé les premières alertes d’actualité – c’était bien avant les smartphones. On les envoyait par texto. On nous avait dit : essayez de ne pas trop solliciter votre audience. Si les gens reçoivent plus d’une notification par semaine, ils vont se lasser. » Une notification par semaine… un autre monde. « Aujourd’hui,reprend le patron d’Arte, on en reçoit plus d’une centaine par jour. »
Il suffit de jeter un œil aux dernières études pour saisir l’ampleur du phénomène (lire l’encadré ci-dessous).D’après Médiamétrie, 94 % des foyers sont connectés en France, contre 35 % il y a vingt ans, avec près de 50 millions d’internautes quotidiens. Deux Français sur trois utilisent chaque jour les réseaux sociaux et les messageries instantanées. Des usages multiples : professionnels, mais aussi pour communiquer avec leurs proches, se distraire, faire des achats en ligne, rechercher des informations, jouer aux jeux vidéo, etc.
Bruno Patino« C’est tout le paradoxe des notifications : j’ai besoin de les recevoir et je n’en peux plus de les recevoir… »
Autant d’occasions d’être happés par un déluge de contenus en tous lieux et à tout moment, puisque le smartphone est roi : 80 % de notre temps en ligne passe par le mobile, d’après Médiamétrie. D’ailleurs, même les promoteurs de ces outils comme Microsoft font le constat de cet envahissement (souvent, cela dit, pour nous « vendre » l’aide de l’intelligence artificielle) : dans une enquête mondiale menée auprès de 31 000 employés, Microsoft relève ainsi qu’« un employé moyen reçoit désormais 117 e-mails et 153 messages Teams par jour »et est interrompu « en moyenne toutes les deux minutes par des réunions, des e-mails ou des notifications » (2). Vertigineux.
D’où ce malaise diffus. Le numérique est au cœur de nos vies, nous rend d’immenses services, mais il nous entrave. Et si l’on en croit l’expérience de Bruno Patino, ce sentiment de dissonance ne date pas d’hier. Dès 2019, à la sortie de son livre à succès La Civilisation du poisson rouge, il raconte avoir reçu de nombreux courriers de lecteurs lui disant : « Merci, vous avez posé des mots sur quelque chose que je ressentais. »
Un trouble, une sensation de dépendance, dont lui-même se sent victime. « Je suis submergé par les alertes, dans tous les domaines, telle nouvelle série, tel nouveau podcast, je pourrais les bloquer, mais je ne le fais pas. C’est tout le paradoxe : j’ai besoin de les recevoir et je n’en peux plus de les recevoir… » Un hiatus devenu banal : un quart à un tiers des sondés jugent leurs usages numériques « excessifs » (3). Et pourtant, relève Bruno Patino, « le temps d’écran ne cesse d’augmenter ». Serions-nous devenus masos ?
« On a hacké mon cerveau ! » En réalité, le phénomène ne doit rien au hasard. Notre attirance pour les écrans a été pensée, élaborée, mise en œuvre par les plateformes numériques de la Silicon Valley pour nourrir l’« économie de l’attention ». Avec un enjeu clair : capter notre attention le plus longtemps possible afin de collecter nos données individuelles et de nous envoyer, ensuite, des publicités ciblées. Une idée de génie ! Grâce à ce système, Google et Facebook sont devenus « follement rentables », écrit Bruno Patino dès 2019, absorbant alors « 75 à 80 % de toute nouvelle publicité ». Selon lui, « 98 % des 40 milliards de revenus de Facebook »provenaient déjà de la publicité ciblée.
Il faut dire que le processus est redoutablement efficace : plus nos données sont aspirées, plus les contenus proposés par les algorithmes sont pertinents, plus nous restons rivés sur nos écrans et plus nous voyons de publicités… de mieux en mieux ciblées. La boucle est bouclée ! Sauf que le produit du système, c’est nous ! Sans forcément, d’ailleurs, que nous sortions notre carte bleue. Notre temps, mais aussi nos goûts, nos attachements, nos inquiétudes ou nos vices sont en eux-mêmes une mine d’or pour le marketing et l’intelligence artificielle. Ils servent en effet à cerner des publics cibles, à identifier des tendances, à entraîner les modèles d’IA génératives, etc.
Donovan, jeune journaliste« Le plus fort, c’est que l’algorithme va au-delà de ce que tu aimes, il sait aussi te surprendre. »
Encore faut-il nous retenir sur la Toile. Et pour cela, les outils de la psychologie comportementale sont les alliés des plateformes. Ces dernières se servent de nos failles et de nos automatismes : elles flattent nos ego par un système de récompenses (les « likes », commentaires et partages), nous offrant au passage une dose de dopamine. Elles tirent parti de notre paresse, en relançant automatiquement un nouvel épisode à la fin d’une vidéo ou d’une série. Elles usent de notre penchant pour les couleurs et certaines ergonomies, à travers un design précis. Rien, répétons-le, n’est laissé au hasard.
Étudiante en prépa à Paris, Lucie en est bien consciente. « TikTok ou Instagram, c’est super bien fait. Tu peux scroller sans jamais te lasser, parce que les contenus sont courts, attrayants et que les algorithmes captent très vite ce qui t’intéresse. Résultat, tu crois être sur ton smartphone depuis quinze minutes, alors que ça fait une heure. »
À 33 ans, Donovan, jeune journaliste originaire de Lorraine, fait le même constat. « Instagram, c’est très puissant. Le feed est infini, tu n’arrives jamais au bout. Le plus fort, c’est que l’algorithme va au-delà de ce que tu aimes, il sait aussi te surprendre. »Logique : plus la récompense est aléatoire, plus nous sommes accros. Un peu comme « une machine à sous »qui délivrerait « tantôt 5 centimes, tantôt 100 000 € », illustre Bruno Patino.Très efficace pour nous arrimer à nos écrans, suspendus à la prochaine suggestion.
Bref, comme le résume l’universitaire Sophie Jehel, tout est fait « pour hacker nos cerveaux ».Et nous épuiser, « car personne n’est fait pour être exposé 24 heures sur 24 à des fils de recommandation, à cette dimension illimitée »,relève cette professeure en sciences de l’information et de la communication de Paris 8.
Sylvie, une Parisienne de 63 ans, l’assure : elle a parfois envie de « jeter(son)téléphone par la fenêtre ! » Sans enfants, mais très connectée avec ses amis, elle décrit une certaine dépendance, « l’impression que c’est la machine qui domine, qui prend le contrôle… J’ai déjà essayé d’enlever Instagram ou Facebook, mais j’y reviens toujours ».
Les usages numériques au cœur de nos vies
• Plus de neuf Français sur dix sont connectés à Internet, soit 94 % de la population française. 84 % le sont quotidiennement. On compte en moyenne 9,6 équipements avec écran par foyer.
• 72 % des internautes passent plus de deux heures par jour sur les écrans pour leur usage personnel, 20 % déclarent y passer plus de 5 heures par jour.
• 75 % consultent un réseau social ou une plateforme de partage de vidéos de façon quotidienne.
• 42 % de la population juge son temps d’écran excessif : chez les 40 ans et plus, le chiffre est de 37 % ; chez les moins de 40 ans, il atteint 53 %.
• L’intelligence artificielle se diffuse : désormais 33 % de Français l’utilisent, et 77 % des 18-24 ans !
Pourquoi ? « Parce que j’ai peur de rater quelque chose : une info intéressante, un ami qui pourrait me contacter… » Cette crainte est banale aujourd’hui. Et porte un nom : le « Fomo », ou « fear of missing out »,une forme d’anxiété qui pousse à rester connecté par peur de manquer une occasion ou une nouvelle. Sur nos écrans, rien ne s’arrête jamais. Que se passe-t-il pendant notre absence ? Quelles infos sont tombées ? Sylvie se sent toujours un peu sur le qui-vive. « Mon cerveau s’agite, bouillonne. Il ne se pose jamais complètement. »
Quel impact sur nos corps ?Sans forcément être sensibles au Fomo, nous sommes nombreux à ressentir qu’il se passe quelque chose. Que nos usages numériques ne sont pas anodins, qu’ils bousculent nos habitudes, nos réflexes, nos relations aux autres, nos corps. Avec quelles conséquences ? Commençons par le corps. Et même le cerveau. Stimulus permanents, temps haché, attention fragmentée… Est-ce grave, docteur ?
« À ce stade, les études ne semblent pas montrer d’effet majeur, souligne Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences à l’université Paris Cité. Certes, notre environnement sollicite beaucoup notre attention, donc à certains moments, on a plus de mal à se concentrer, on oublie des choses, on se sent fatigué. Mais ça ne veut pas dire que nos capacités attentionnelles sont altérées. Mais qu’il en faut beaucoup plus qu’avant ! »
Le chercheur note aussi que tous les usages numériques n’ont pas le même effet. « Quand vous scrollez sur TikTok, en passant d’une story à une autre, votre capacité d’attention n’est pas mise à rude épreuve… » D’accord, mais que dire des interruptions permanentes, alertes, SMS, notifications, qui perturbent le suivi de telle ou telle activité ? « Notre cerveau a une grande capacité d’adaptation. Donc, charge à chacun de s’organiser : quand on doit se concentrer sur un travail important, on coupe le téléphone. Et vous verrez, vous serez tout à fait capable de lire 150 pages d’un rapport ou d’une thèse sans difficultés ! »
En revanche, Grégoire Borst tord le cou à l’idée que les « digital natives »,ces jeunes générations nées avec Internet, seraient des petits génies du multitâche, capables de tout (bien) faire en même temps : suivre un cours en consultant Instagram et en envoyant des SMS. « Notre cerveau n’est pas fait pour ça,rappelle cet expert en neurosciences. La meilleure façon de favoriser les apprentissages, c’est d’être mono-tâche. » Une récente étude de l’université Rennes 2 auprès de 187 étudiants a d’ailleurs montré que ce type de comportements avait un impact négatif sur la mémorisation des cours (4).
Le chercheur insiste aussi sur les effets somatiques de l’hyperconnexion : d’abord la sédentarité, compte tenu du temps croissant passé sur les écrans. En 2025, 25 % des personnes interrogées dans le baromètre numérique déclarent y passer plus de cinq heures par jour, pour un usage personnel. « La sédentarité entraîne des risques d’obésité et de maladies cardiovasculaires, rappelle Grégoire Borst, qui note également des impacts sur le sommeil. L’exposition à la lumière artificielle modifie notre pic de mélatonine. Notre sommeil est de moins bonne qualité, ce qui a des répercussions sur l’ensemble de notre santé physique et mentale. »
Source : Baromètre du numérique, édition 2025, étude réalisée par le Crédoc auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 12 ans et plus. Au total, 4 066 personnes ont été interrogées du 5 juillet au 6 août 2024. Infographie : Paul Coulbois
… et sur notre psyché ?Ah tiens, justement, notre santé mentale. Quel est l’impact de l’hyperconnexion sur notre psyché ? Beaucoup de travaux ont été publiés concernant les enfants, mais qu’en est-il des adultes ? « Lorsqu’on a des vulnérabilités psychiques importantes, certains symptômes peuvent être amplifiés lorsqu’on passe beaucoup de temps sur les réseaux,reconnaît Grégoire Borst. Mais, selon lui, il est « difficile d’établir, à partir des données scientifiques, si ces usages peuvent être la cause réelle du mal-être ».
Sur la question de l’addiction, prudence aussi. Car il n’existe pas de consensus scientifique à l’heure actuelle sur une « addiction aux écrans », au sens médical du terme. Dans la ville de Pau (Pyrénées-Atlantiques), plusieurs acteurs, le centre hospitalier des Pyrénées, la mairie et l’université de Bordeaux, se sont donc associés pour avancer sur ce sujet sensible et polarisé. L’enjeu est de taille, car les débats sont souvent fondés sur des approximations.
Ils ont lancé le « projet écrans », afin de rassembler des données robustes sur l’exposition de la population et ses effets. Fondé sur la nomenclature médicale du DSM-5 (manuel de l’Association américaine de psychiatrie sur les troubles mentaux) et la CIM (la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé), le projet mise sur les sciences participatives, à travers une enquête en ligne lancée en mai 2024 auprès des enfants, des ados et des adultes (5).
Les résultats sont encore provisoires, donc à prendre avec précaution. Mais à ce stade, ils s’avèrent plutôt inquiétants. « Une large majorité de la population est déjà dans un usage problématique des écrans », souligne le psychiatre et addictologue Pierre-Emmanuel Rozier, au cœur du projet.
Concernant les adultes – puisque c’est notre sujet –, l’enquête montre que 81 % de la population est concernée par au moins un usage problématique des écrans et 7 % par une addiction (soit au moins cinq symptômes que l’on retrouve dans les addictions reconnues, à l’alcool par exemple). Parmi les critères explorés dans l’enquête, le fait, notamment, de continuer d’utiliser ses écrans alors qu’on ne le veut pas ; ou encore de se sentir agité, triste ou anxieux lorsque l’on est contraint de moins les utiliser, etc.
Pierre-Emmanuel Rozier appelle à la vigilance, d’autant que l’intelligence artificielle, « outil extrêmement puissant », arrive et pourrait encore aggraver les choses – même s’il est trop tôt pour avoir des données solides. D’autres spécialistes mettent aussi en garde. À l’université Paris 8, Sophie Jehel côtoie chaque année des jeunes en risque de burn-out, « des étudiants de 22 ou 23 ans, qui ont une utilisation extensive » des écrans, happés par ce caractère illimité dont elle parlait.
« Les jeunes adultes sont plus à risques. Car moins habitués à se déconnecter. Et soumis à une injonction de publier. »
D’ailleurs, pour cette spécialiste en sciences de l’information, l’idée selon laquelle les jeunes adultes seraient moins à risques – car plus habiles sur le numérique – est un cliché. « Ils le sont plus, à mon sens. Car moins habitués à se déconnecter »,même si d’autres dimensions entrent en ligne de compte comme le milieu social, la médiation parentale, etc.
Pour ces jeunes, le rapport aux réseaux sociaux est plus délicat qu’il n’y paraît. « Il est difficile pour eux d’y échapper », fait observer Sophie Jehel, au risque de rompre avec les codes de leur génération, d’avoir une vie sociale plus contrainte ou de perdre des opportunités de travail. Selon l’universitaire, ils sont soumis à « une injonction à publier » sur les réseaux. Donc à s’exposer sans vraiment avoir le choix. Et à gérer leur identité sur un terrain complexe, car tout va très vite. Que montrer de soi ? Comment bien jauger ce que l’on dévoile ou pas, à quel moment ? C’est lourd à porter.
En Lorraine, Donovan en témoigne. Le trentenaire dit ressentir un « poids », une « charge mentale » liée aux réseaux sociaux. Notamment lorsqu’il est exposé à la vie rêvée des autres. « Sur Insta, on se compare forcément, avec toutes les images que l’on voit défiler. Et ce n’est pas un sentiment agréable », euphémise le jeune homme, qui confie manquer de confiance en lui et parfois « s’auto-détester » lorsqu’il consulte le réseau de Meta.
Le jeune journaliste évoque aussi cette « injonction à être disponible partout, tout le temps », là encore via Instagram ou WhatsApp. À être connecté non-stop, à réagir, ce qui lui pèse aussi. Il a d’ailleurs décidé « de désactiver les bâtons bleus » sur WhatsApp, qui permettent de savoir si les messages ont été lus.
« Avec ce truc, je me faisais des nœuds au cerveau ! La réponse est un dû. Et inversement, quand on ne te répond pas, tu te poses mille questions. Bref, c’est plus simple de ne pas savoir. »Il n’hésite pas non plus, le week-end, à partir sans son téléphone pour profiter pleinement du moment. « Il y a quelques jours, on s’est retrouvés avec des amis, au bord d’un lac au Luxembourg. J’ai laissé mon smartphone dans la voiture. »
Petit mémo des bonnes pratiques
1. Se déconnecter (com-plè-te-ment) :a minima, pas d’écran le matin, pendant les repas et une heure avant de se coucher. Identifier d’autres temps de la journée – et des lieux – que vous pouvez sanctuariser dans la maison ou à l’extérieur, donc sans téléphone, ni ordinateur, ni console…
2. Éviter le « multitasking »,qui consiste à mener plusieurs tâches en même temps, par exemple suivre une visio tout répondant à un mail ou en scrollant sur un réseau social. Y compris dans les réunions de travail.
3. Proposer une « boîte à smartphones » à la maison, où tous les membres de la famille peuvent déposer leur appareil, pour des moments partagés sans pollution numérique.
4. Désactiver les notifications des différentes applications type WhatsApp, Teams, et autres réseaux sociaux, via les réglages de votre smartphone.
5. Instaurer des limites de temps d’écran, par application ou définir, plus globalement, un programme de temps sans écran sur votre smartphone, via les réglages de l’appareil.
6. Mettre votre écran en noir et blanc, via les paramètres d’accessibilité (puis « vision ») de votre appareil.
Le trentenaire ne raconte pas ce souvenir par hasard. Il en parle comme d’un beau moment, durant lequel il s’est « senti ancré », vraiment en lien. Loin des « shorts » et des notifications de l’écran bleu, qui lui donne souvent « une impression de vide ». « J’ai vécu au Portugal, et dans cette langue il y a un mot,saudade, qui est difficile à traduire en français mais veut dire quelque chose comme “nostalgie heureuse”. Et bien là, au bord de ce lac, je me suis fabriqué ces souvenirs-là. »
Retrouver l’équilibreCette expérience toute simple et l’intuition de Donovan qu’elle est essentielle font écho aux réflexions du sociologue allemand Hartmut Rosa, connu pour avoir théorisé le concept d’accélération, et plus récemment celui de « résonance ». Dans un monde où il devient plus difficile de se « connecter aux autres et à ce qui nous entoure » – lui parle même d’« un dysfonctionnement de la relation au monde » –, Hartmut Rosa forge dans un de ses derniers livres l’idée de « résonance », qu’il résume ainsi (6) : elle intervient « quand nous entrons en relation avec quelque chose que nous ne maîtrisons pas parce que nous ne pouvons pas le posséder. Elle renvoie à une sorte de réactivité, d’écoute et de réponse, qui rompt totalement avec le monde agressif de conquête et de possession ».
Le lac et la beauté des lieux, la présence à l’autre… Ce jour-là, Donovan a sans doute vécu cette expérience de « perméabilité » dont parle le sociologue, une attention à ce qui advient, une ouverture à l’étoffe du réel.
Le concept est précieux. Car si le travail de Hartmut Rosa sur la modernité va bien au-delà de la question des technologies numériques, il nous aide à appréhender, en creux, les conséquences de l’hyperconnexion sur nos vies. Et les effets palpables de tout ce qui, précisément, nous éloigne de la résonance : les bulles cognitives, l’attention fragmentée, la prédictibilité algorithmique, les techniques de réalité virtuelle qui brouillent nos sens… Là encore, chacun le pressent, il se joue quelque chose d’essentiel. Dans les témoignages, les mêmes mots reviennent : le besoin de se retrouver, la quête d’intériorité, de temps et de rêverie…
Mais comment retrouver l’équilibre ? Pas simple, alors que le numérique maille désormais nos existences et qu’arrive déjà la prochaine étape, avec les IA génératives… Pour Bruno Patino, qui en concède la difficulté y compris pour lui-même, cela passe d’abord par une vigilance : résister à l’automaticité du recours à la machine. Aller au-delà de l’intuition première et du ressenti initial.
« La grande fatigue civilisationnelle,remarque l’auteur, vient du fait que les machines nous sollicitent avant même que le manque – donc le désir – n’ait pu s’exprimer. Dans cette submersion, le manque n’a plus le temps de germer en nous. »D’où l’importance, selon lui, de discerner. Face à la séduction et à la puissance du numérique, « il faut se demander à quel point tel usage nous satisfait. Est-ce qu’il nous rend plus libre ? »Ou au contraire, est-ce qu’il nous enferme, nous manipule ?
Dans cette perspective, il rappelle, comme tous les spécialistes interrogés, l’importance de ménager des temps et des espaces de déconnexion. Des moments et des lieux où les écrans n’ont pas droit de cité – lui assure par exemple avoir fait de sa chambre à coucher un sanctuaire. Lucie, l’étudiante en prépa, tient beaucoup à ses longues courses à pied dans la ville, loin des sollicitations numériques. Sylvie, quant à elle, s’efforce de couper son téléphone le soir.
C’est d’ailleurs le message porté par le Collectif surexposition écrans (CoSE) qui réunit psychologues, chercheurs et pédiatres soucieux de sensibiliser la population. Aux parents, en particulier, le CoSE recommande quatre règles claires : pas d’écrans le matin, durant les repas, avant de s’endormir et dans la chambre de l’enfant.
Grégoire Borst, expert en neurosciences« Parfois, toute la famille est sur le canapé, mais chacun est sur son écran… Mieux vaut passer vingt minutes pleinement avec son enfant, sans téléphone du tout, que deux heures avec. »
Sonia, qui vit près de Châteaudun (Eure-et-Loir), les a bien en tête, ces règles. Cette mère de deux filles de 11 et 15 ans a conscience des effets néfastes du smartphone pour ses ados, mais confie ses difficultés à contenir leurs usages. « La petite dernière, surtout, à qui nous imposons une limitation du temps, a tendance à réclamer très souvent le téléphone. C’est fatigant, il faut rabâcher, je joue parfois les dragons… C’est un combat permanent ! » Une charge mentale en plus, estime cette mère de famille, qui avoue parfois lâcher la bride, par lassitude.
La fondatrice du CoSE, Sabine Duflo, insiste pourtant sur l’enjeu qui réside derrière ces quatre recommandations : « Retrouver du temps commun, c’est fondamental. » Dans sa consultation « ado écrans », à l’hôpital Georges-Daumezon de Fleury-les-Aubrais (Loiret), la psychologue est frappée de voir à quel point « le temps partagé, familial, se réduit comme peau de chagrin aujourd’hui… alors même qu’il est essentiel et nous construit ».
Dès lors, son travail consiste à sacraliser certains temps, comme le repas familial, auquel elle redonne sa place et sa fonction. « Ce n’est pas juste le déjeuner ou le dîner, mais qui les prépare, qui réfléchit au menu, s’occupe des courses… Je fais en sorte que les ados en redeviennent des acteurs »,avec leurs parents et loin d’un smartphone ou d’un ordinateur qui les isole.
De même, la thérapeute recommande de laisser de côté, une heure avant d’aller au lit, tous les écrans de la maison, ceux des parents inclus. Un temps important pour lire une histoire, faire un jeu, discuter de sa journée… À l’aune de ses travaux, l’universitaire Grégoire Borst va dans le même sens. Et appelle les parents à être attentifs.
« Parfois, on se donne bonne conscience, car toute la famille est sur le canapé, mais chacun est sur son écran et il n’y a aucune communication… Mieux vaut passer vingt minutes pleinement avec son enfant, sans téléphone du tout, que deux heures avec. »
Sabine Duflo acquiesce. Selon la clinicienne, consulter son appareil, même pour de bonnes raisons, alors qu’on passe un moment privilégié avec son enfant, c’est lui signifier : « Cet écran est plus important que toi. » Mais on ne s’en rend pas toujours compte… Elle passe donc du temps à sensibiliser les parents et mise sur la confiance. « C’est difficile, mais le résultat est gratifiant,assure-t-elle. Lorsque les familles retrouvent des temps partagés, elles y reprennent goût. On enclenche un cercle vertueux. » Seule condition, « tenir bon ! »
Pour aller plus loin
-Faire la paix avec nos écrans,
de François Saltiel et Virginie Sassoon,
Flammarion, août 2025, 304 p., 21 €
Elle est docteure en sciences de l’information et de la communication, lui journaliste et producteur. Parents de trois enfants, ils partagent dans ce livre leur cheminement sur l’impact de technologies devenues incontournables, entre expérience familiale et enjeux sociétaux.
Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital,
de Michel Desmurget,
Points Seuil, 2024, 10,80 €
Après le succès de son précédent livre, La Fabrique du crétin digital (Seuil, 2019), Michel Desmurget, directeur de recherche à l’Inserm, explore le caractère irremplaçable de la lecture, dans un temps où nos enfants, happés par les écrans, lisent de moins en moins.
Neuromania
de Albert Moukheiber,
Allary éd., 2024, 228 p., 21,90 €
Dans cet ouvrage, l’auteur, docteur en neurosciences, démêle le vrai du faux sur le fonctionnement du cerveau. Utile pour déjouer les grandes manœuvres et petites astuces du monde numérique pour capter notre attention.
C’est pas moi, c’est mon téléphone,
de Agnès Barber et Clémentine Latron,
Nathan, 2023, 128 p., 12,90 €.
Un livre illustré et ludique pour aider les enfants (dès 10 ans) et leurs parents à apprivoiser les usages du téléphone, sans se faire piéger.
« Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu », avril 2024 : à la demande d’Emmanuel Macron, ce rapport est le fruit du travail d’une commission de 10 experts, coprésidée par Servane Mouton, neurologue, et Amine Benyamina, psychiatre addictologue. Il formule des recommandations pour protéger les plus jeunes. On peut le consulter sur le site de l’Élysée (elysee.fr)
surexpositionecrans.fr Animé par le Collectif surexposition écrans (CoSE), qui rassemble des psychologues et des professionnels de santé travaillant sur l’impact des écrans chez les enfants et les ados, ce site propose des tribunes, des recommandations et des liens pour trouver des consultations spécialisées.
DopamineUne série d’épisodes de 7 minutes sur Arte.tv qui explore avec peps pourquoi nous sommes devenus accros à WhatsApp, Instagram, Uber ou Snapchat… Et si l’on n’est pas accro, une bonne manière de découvrir et de décrypter ces applis.
L’Impact des écrans, saison 9 de la collection « Votre cerveau » de France culture sur radiofrance.fr. Animé par Séverine Erhel, enseignante-chercheuse en psychologie du numérique, ce podcast détaille les bonnes et mauvaises pratiques des écrans pour notre cerveau.
(1) Submersion, Grasset, 2023, 144 p., 16 €. Après La Civilisation du poisson rouge et Tempête dans le bocal