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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
12.12.2025
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Reportage
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Robin, 8 ans, est venu passer quelques heures à la Maison des parents aidants. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
À l’occasion de la Journée nationale des aidants, le 6 octobre, L’Hebdo s’est penché sur ces proches qui soutiennent l’un des leurs, âgé, malade ou porteur de handicap. Une mission qui réclame force physique et morale. Et des temps de répit encore trop peu pris en compte dans la société. Visite aux « Bobos à la ferme », lieu qui accueille à la fois aidés et aidants en leur proposant une parenthèse de sérénité partagée.
Les roulettes de la valise crissent sur les graviers. Jean-Marc désigne de la main le gîte niché dans le vaste corps de ferme : « Allez ! En route mauvaise troupe ! Tu reconnais ? On est déjà venu au mois de mai… »,rappelle-t-il à sa femme, Jeanine. En ce début d’été, le couple revient passer une semaine aux Bobos à la ferme, à La Madelaine-sous-Montreuil (Pas-de-Calais). Au programme – après avoir fini de batailler avec la télé qui rechigne à se mettre en route – « du rien foutage »,plaisante Jean-Marc. Qui tempère : « Enfin, on va quand même se faire quelques balades et des petits restos… »
À première vue, ces retraités de l’enseignement semblent démarrer leurs vacances sous les auspices les plus banals. Il n’en est rien. Depuis quelques mois, Jeanine, atteinte de la maladie de Parkinson, est partie vivre en Ehpad. Le quotidien devenait trop compliqué à gérer pour Jean-Marc. Le changement est difficile à vivre pour Jeanine. « Elle m’a dit : “Mon rêve, c’est de m’endormir avec toi en te tenant la main.” Ça m’a tordu les tripes », raconte, d’une voix étranglée, Jean-Marc, son époux depuis quarante ans. Le but de leur séjour est résumé par Jeanine : « Être dans la situation d’un couple normal. »Comprendre : que la maladie ne prenne pas toute la place dans le quotidien et laisse de l’espace aux moments partagés, aux souvenirs en train de s’écrire.
Jeanine et son mari Jean-Marc, arrivent pour leur deuxième séjour aux Bobos à la ferme. L’occasion de se retrouver comme un « couple normal », alors que Jeanine a dû partir vivre en Ehpad. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
C’est à la Maison des aidants de Lille que Jean-Marc a entendu parler des Bobos à la ferme pour la première fois. Il s’agit, lui explique-t-on, d’un tiers-lieu pensé pour les aidants par les aidants. En l’occurrence Élodie et Louis Dransart. En 2019, ce couple ouvre ici son premier gîte labellisé « Tourisme et handicaps ». L’idée est de permettre aux aidants de souffler autrement et surtout, comme ils le souhaitent, avec les leurs. Évidemment, les logements sont pensés pour l’accueil des personnes à mobilité réduite, mais l’endroit propose aussi des professionnelles pour relayer les proches, tout comme des activités adaptées aux personnes porteuses de handicap.
Pourquoi nous l’avons fait
Un Français sur quatre est un aidant. Telle est l’une des statistiques figurant dans le Baromètre des aidants 2024 (collectif Je t’aide/BVA). Un chiffre dont on peut supposer qu’il va encore augmenter avec l’arrivée dans le grand âge des baby-boomers. Or, toujours selon cette même étude, si 68 % des sondés déclarent être devenus aidants en raison du lien affectif qui les lie à la personne aidée, ils sont 40 % à reconnaître des difficultés, notamment de la fatigue mentale et émotionnelle.
Si l’amour de l’autre est un ressort essentiel pour soutenir un proche malade ou porteur de handicap, il ne saurait suffire. Penser à l’autre sans s’oublier au passage, tel est le défi. Lequel n’est pas facile à relever, d’autant que peu de structures existent pour permettre aux familles de se retrouver tout en permettant aux aidants de souffler. Cette promesse, Les Bobos à la ferme la tient. Alors que se profile la Journée nationale des aidants le 6 octobre, nous nous sommes rendus dans le Pas-de-Calais à la découverte de ce lieu singulier, humaniste et militant, où nous avons rencontré des familles heureuses de se sentir comprises et entendues, et des professionnels soucieux de leur offrir du soutien comme de la liberté.
Six ans plus tard, Les Bobos à la ferme comprend quatre gîtes, un studio, bientôt deux, une salle de handibalnéo, une salle snoezelen – une pratique reposant sur la stimulation des cinq sens pour favoriser la détente et le contact –, mais aussi une salle polyvalente et une maison des parents aidants. « L’idée est d’accueillir de façon inconditionnelle », résume Élodie Dransart. Quelle que soit la situation d’une famille, il s’agit de lui proposer une offre sur mesure pour permettre à chacun d’aller au bout de ses choix, dans la dignité.
L’énergie du désespoirAux Bobos à la ferme, tout le monde, employés comme clients, connaît le parcours de Louis et Élodie. Il est aux fondements de l’histoire du lieu. En 2015, le couple, qui réside en région parisienne, accueille Andréa, leur premier enfant. Rapidement, ils se rendent compte que quelque chose ne va pas. « Je partais au travail, Andréa hurlait, je rentrais, elle hurlait toujours », se remémore Élodie. C’est le début d’une longue errance médicale.
« L’injustice majeure, c’est de se dire qu’on n’a plus de futur à soi. Car le seul futur pour vous, c’est l’aidance.
Il faudra trois ans avant que le diagnostic ne tombe en juin 2019, dans le service neuro-pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré. Andréa souffre du syndrome Codas, une maladie neurodégénérative. Élodie quitte son emploi et s’occupe à domicile du bébé, pour gérer les crises, remettre la sonde naso-gastrique dans le nez, donner des neuroleptiques. « Il nous fallait trouver du sens dans cette nouvelle vie, explique-t-elle. Vous ne pouvez pas passer vos journées à remettre une sonde, shooter votre fille et attendre sa mort. »
Élodie et Louis Dransart ont cofondé Les Bobos à la ferme après le diagnostic de leur fille Andréa, atteinte du syndrome Codas et décédée en 2024. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
L’expression « énergie du désespoir » prend alors tout son sens. « Du très gros handicap d’Andréa a découlé une très grosse réaction. Il fallait se mettre en mode projet », analyse Louis. Et faire de la colère un ressort : « L’injustice majeure, c’est de se dire qu’on n’a plus de futur à soi. Car le seul futur pour vous, c’est l’aidance. En cela, il y a rupture du contrat social. » Le 31 juillet 2016, la famille quitte donc Paris, avec l’idée de créer des gîtes pour les gens comme eux. Car Élodie et Louis ont frôlé ce point de rupture favorisé par l’isolement et l’épuisement. Ce moment où « vous hurlez pour que ça cesse ».
Ils arrêtent leur choix sur ce beau corps de ferme, non loin des attaches familiales de Louis. Et se mettent au travail. Ils bâtissent seuls le premier gîte, baptisé évidemment Andréa, qui ouvre en 2019. « En montant ce projet, on se disait : “Si ça ne marche pas, ce ne sera pas pire qu’hier.” » Et, de fait, ça marche. Même si l’équilibre économique demeure très fragile. Il repose sur environ 25 partenaires financiers différents, moitié public et moitié privé. « Aujourd’hui, ce sont les dons des particuliers et des entreprises qui nous permettent d’avoir une marge de manœuvre supplémentaire et de respirer un peu »,estime Louis.
« Les Bobos, c’est un coin de ciel bleu au milieu de nos nuages. C’est un cocon apaisant… même si le coq chante à 5 heures ! »
Ce modèle, les Bobos à la ferme souhaitent le décliner par la mise en place, depuis 2024, d’une formation qui va permettre d’essaimer pour créer de nouveaux lieux de répit ailleurs en France. Un bénéfice pour les familles mais aussi pour les territoires qui les accueilleraient. Car le projet a des répercussions économiques. « On a 12 salariés sur un village de 148 habitants », rappelle Louis. Pour Élodie, leur idée entre aussi en résonance avec les préoccupations liées à la ruralité, sur la façon de remettre de l’activité et du lien social au cœur de petites communes. Elle cite la route départementale « remise en état grâce à nous », ou l’auberge qui fait face à leur ferme et accueille régulièrement leurs résidents désireux de s’offrir un petit extra.
Ce n’est pas sur le restaurant que Bénédicte a arrêté son choix. Mais sur un massage, offert par l’équipe des Bobos à la ferme. Ce n’était pas du luxe. Il y a deux jours, cette maman solo a eu la tentation de tout envoyer balader. Son fils Matthieu dormait mal, elle était épuisée. Aidante, elle l’est depuis vingt-cinq ans, l’âge de son garçon. Le jeune homme souffre du syndrome d’Angelman, qui provoque un retard moteur et cérébral. Tandis que Matthieu profite d’une séance de balnéo avec Caroline, une des relayeuses, elle raconte ce bébé, qui, à 6 mois, ne s’asseyait toujours pas et le diagnostic posé à 18 mois de cette maladie dont à l’époque, seulement 200 cas étaient recensés en zone francophone. Commerciale dans le secteur bancaire, elle a élevé seule son fils, sans cesser son activité professionnelle. « C’était mon oxygène »,raconte-t-elle.
Ce qui ne l’a pas empêchée de subir un burn-out. Épuisée par son métier qui la mène fréquemment sur les routes et par la nécessité de toujours devoir bricoler entre les jours de fermeture de l’institut médico-éducatif (IME), la valse du personnel soignant nécessaire au bien-être de son fils – « à un moment, dans Amiens où j’habite, j’avais dix trousseaux de clés de mon appartement qui se baladaient »– et les moments de ras-le-bol. Quand, par exemple, durant la nuit, Matthieu « faisait Picasso »avec ses selles et qu’au matin il lui fallait nettoyer. « Il faut avoir le cœur bien accroché. » Mais aussi quand il fallait jongler entre ses six semaines de congés payés par an et les onze où l’IME est fermé. Par solidarité, des collègues de travail lui ont offert certaines de leur RTT. « Si vous n’avez pas de soutien professionnel et de soutien familial, vous êtes foutu. »
Mais les amis et les collègues ne peuvent rien contre les douleurs physiques. À force de soutenir Matthieu quand il marche, elle souffre d’une tendinite. Il y a aussi ces moments où la fatigue prend le pas sur tout et favorise le repli sur soi. Le futur constitue une autre source d’angoisse. Que deviendra son fils quand elle ne sera plus là ? « Dès l’âge de 18 ans, j’ai préparé sa tutelle. » Puis, Bénédicte lève les yeux pour regarder le paysage qui l’entoure, sur sa chaise, son corps se détend. « Ici, on souffle, raconte-t-elle. Les Bobos, c’est un coin de ciel bleu au milieu de nos nuages. C’est un cocon apaisant… même si le coq chante à 5 heures ! » De la salle de balnéo s’échappent le bruit du clapotis de l’eau et les exclamations heureuses de Matthieu.
Être juste des parentsDe l’autre côté de la cour, casque antibruit sur les oreilles, Marielle, 22 ans, s’apprête à partir en balade dans les marais en compagnie d’Emma, une jeune bénévole, et de Morgane, éducatrice spécialisée. Pendant ce temps, ses parents sont partis de leur côté pour prendre l’air. Comme le souligne Élodie Dransart, avoir un enfant, c’est avoir moins de temps pour son couple. Et quand il s’agit d’un enfant handicapé, « on n’a même plus l’opportunité de prendre un verre en terrasse… »
Autiste, Marielle a besoin d’un emploi du temps très cadré : une heure trente de marche le matin puis un temps calme et, à nouveau, une heure de marche. Et elle trottine vite. Tout en pressant le pas pour se mettre à son rythme, Morgane, qui travaille depuis décembre dernier aux Bobos à la ferme, parle de la difficulté pour les aidants d’apprendre à lâcher prise : « Il y a l’inquiétude de savoir à qui on laisse son enfant. Ils ont appris à être parents aidants, c’est donc compliqué parfois pour eux d’être juste des parents… »
Marielle aime beaucoup marcher. Elle est accompagnée par Morgane, une relayeuse, pour une promenade dans les marais. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
Attablée à la terrasse d’un bistrot de Montreuil-sur-Mer, devant une assiette de frites qui n’en finit pas de refroidir tant elle est emportée par son sujet, Élodie Dransart revient sur cette question de la culpabilité des parents qui s’en veulent d’avoir parfois envie de lâcher. Elle souligne les dangers de la glorification des aidants. Laquelle, si elle peut partir d’un bon sentiment, s’avère en fait, une prison dangereuse dans laquelle on les enferme. Car comment oser demander de l’aide quand on vous serine à longueur de journée que vous êtes un héros ? Comment, dans ces conditions, ne pas avoir l’impression que solliciter du soutien s’apparente à un aveu de faiblesse ?
Une autre dimension agace souverainement Élodie : s’entendre dire que, en tant que parents, il est « normal » d’accomplir toutes ces tâches d’aidance. « Sauf qu’on n’a pas signé pour ça,s’insurge-t-elle. Ne pas travailler, subir l’isolement social… » Pour elle, le droit au répit est tout sauf cosmétique : « Privez-vous de vacances pendant dix ans, on va voir dans quel état vous allez être… »Elle raconte alors ces aidants qui se blessent, tombent dans les escaliers, assommés par la fatigue d’accompagner un proche au quotidien. Et qui se heurtent aux lourdeurs administratives, les plus éreintantes, aux dires de tous. C’est bien simple : il faut faire un dossier pour tout. « Cela prend tellement de temps que, parfois, quand la réponse arrive, la situation du proche a évolué… »
Ici, pas de regards bizarresÀ quelques kilomètres de là, Bénédicte fait justement l’expérience du lâcher-prise. Dès le parking du centre équestre de Berck-sur-Mer, une odeur de crottin chatouille les narines. « Tu es content, glisse-t-elle à Matthieu. On va voir Étoile… »Le jeune homme, accompagné de Laura, une des relayeuses des Bobos à la ferme, va participer à une séance d’équithérapie.
« Arriver à faire juste pour soi, c’est compliqué. On a toujours des choses en tête. Il faut tout organiser, anticiper… »
En habitué des lieux, il arbore fièrement un tee-shirt floqué « Je peux pas, j’ai Henson », du nom de cette race d’équidés typique de la baie de Somme. Il est convenu que Bénédicte s’éclipse le temps de l’activité, ce qui rend Matthieu nerveux. Du regard, il cherche sa mère. Laura tente de faire diversion : « Maman est occupée. Si tu veux monter Étoile, il faut que tu la prépares »,lui intime-t-elle en lui tendant une brosse. Matthieu proteste. Après un moment un peu houleux, il pénètre dans le manège et se poste enfin sur le dos de sa monture. Camille, la monitrice du centre, lui propose des exercices de motricité : attraper un plot et le poser, jeter une balle dans une bouée.
Matthieu en pleine séance d’équithérapie. Camille, la monitrice du centre, lui fait réaliser différents exercices de motricité. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
Depuis les tribunes, dissimulée aux yeux de son fils, Bénédicte observe la scène. « Arriver à faire juste pour soi, c’est compliqué,confie-t-elle. On a toujours des choses en tête. Il faut tout organiser, anticiper… » « On va trotter, Matthieu ? », demande Camille. Le regard bleu vif du garçon s’anime. Et quand, sur une esplanade qui jouxte le centre, il déambule sur Étoile au milieu des passants, on le sent fier comme Artaban. En contemplant Camille et Laura accompagner son fils, les mots de cet ami prêtre prononcés un jour de ras-le-bol reviennent à la mémoire de Bénédicte : « Il faut savoir partager sa croix(…). Être capable de déléguer, de se faire aider, c’est ça, le répit », résume-t-elle.
Un répit qui, selon les situations, peut revêtir bien des formes. Pour Bénédicte, il s’agit de s’offrir un temps en famille hors du quotidien. Et puis ici, ajoute-t-elle, « on est tous dans le même bain, je n’ai pas de regard bizarre ou de pitié sur Matthieu ». Elle n’a pas oublié une sortie aux haras de Chantilly. Matthieu, tout à sa joie face aux chevaux qu’il aime tant, s’excite, s’agite. Autour d’elle, Bénédicte capte des bouches froncées et des coups d’œil en biais. « On sentait bien que les gens pensaient : “C’est qui, ce gamin ? Sa mère ne sait pas s’en occuper ou quoi ?” »
Ces regards, Lydia les connaît bien. En 2015, son fils Wassim, brillant étudiant à l’École supérieure de commerce de Paris est percuté par une voiture tandis qu’il se rend dans son établissement, sur l’avenue de la République. Alors médecin en Algérie, Lydia quitte son métier et sa famille pour venir au chevet de son fils. Il y aura d’abord le regard des soignants sur son enfant. L’un d’eux lui conseille de le débrancher. « Quand on est soi-même médecin, on ne se rend pas compte des défaillances et de la violence du système. »
Le jeune homme reste cinq mois en réanimation et ne regagne le domicile familial qu’en 2020. Il souffre d’un locked-in syndrome. Il a une trachéotomie et s’exprime par des pressions de la main. Médecin elle-même, Lydia n’abandonne jamais et lui fait faire, sans relâche, des exercices d’articulation. Après ceux de certains médecins, d’autres regards l’ont profondément meurtrie. Notamment ceux essuyés dans les transports, quand elle emmène Wassim visiter les musées qu’il affectionne. « Celui que je hais le plus, c’est celui qui dit : “Qu’est-ce qu’il fait ici, celui-là ?” »
Lydia, médecin, ne cesse jamais de stimuler et de solliciter son fils Wassim. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
Elle n’oublie pas non plus, dans les supermarchés, ces clients qui brandissent leur carte d’invalidité pour lui griller la politesse à la caisse prioritaire. « Ils me disent : “Moi, j’ai la carte. “J’ai envie de répondre : “Mais vous, vous avez vos deux jambes !” ». La contrepartie, ce sont ces photos qu’elle extrait de la mémoire de son portable : Wassim posant fièrement à côté du guitariste de Dire Straits ou participant à une soirée bowling. « Je rentre vidée, mais ça me fait plaisir. Est-ce que je me bousille la santé ? Clairement, oui. Hernie discale, lumbago, c’est bon, j’ai… Mais tant que j’en suis capable… »
De vraies vacances en familleAux Bobos à la ferme, Lydia est venue chercher un lieu adapté pour décompresser avec ses trois garçons – Wassim, mais aussi Rayane, 26 ans et Kamyl, 15 ans. Sans que cela soit dit, on voit comment la maladie a pu rebattre les cartes au sein de la famille. On sent que Rayane, le plus discret, est comme un roc sur lequel sa mère peut s’appuyer. La situation de son frère n’est pas étrangère au fait qu’il ait passé un master en santé publique et qu’il soit ingénieur en ingénierie de la santé. Quant à Kamyl, le benjamin, il a toujours une plaisanterie qui affleure au coin des lèvres pour alléger l’atmosphère.
« J’ai du plaisir à voir mes trois garçons ensemble », sourit Lydia, soulagée aussi de ne pas avoir à gérer l’intendance. Elle se souvient en 2022 d’un séjour à Center Parcs : « Je devais tout prévoir. Le lit médicalisé, le matelas anti-escarre et la pompe. Sans oublier de contacter les fournisseurs pour livrer le tout en temps et en heure à Center Parcs. »L’année dernière, elle a opté pour un camping à Laon, réputé pour son accessibilité. « Enfin l’accessibilité… aux bungalows ! » Il n’y avait pas, à disposition, de tire-à-l’eau pour permettre à Wassim d’aller se baigner. Lydia tapote sur l’écran de son portable pour montrer une photo prise il y a quelques jours : Wassim, à bord d’un tire-à-l’eau, sur la plage de Berck-sur-Mer. Elle apprécie aussi de ne pas avoir à gérer du personnel. D’ordinaire, auprès de Wassim, cinq auxiliaires de vie se relaient 24 heures sur 24. Une organisation qui l’oblige à être toujours en alerte : il faut non seulement jongler avec les congés des uns et des autres mais aussi les absences imprévues ou encore les conflits qui peuvent survenir entre les soignants. Car oui, en plus de tout, un aidant est aussi le manager d’une petite PME… Ici, Lydia peut laisser cette tâche à l’équipe des Bobos à la ferme et se reposer sur les relayeuses.
« On n’est pas aidant de son enfant. C’est mon rôle de maman. Faire des enfants, c’est les assumer, dans les bons comme les mauvais moments. »
C’est également sur ce soutien que s’appuie Jean-Marc. « Je ne m’occupe pas de la toilette ni de l’habillage de Jeanine, précise-t-il. Je suis un mari, pas un aidant… »Le point de vue est différent chez leurs voisins, Gilles et Marie-Bella, venus avec leurs trois enfants, dont leur aîné, Paul-Antoine, 18 ans, atteint par l’adrénoleucodystrophie. « On nous donne deux ans, raconte Marie-Bella. Chaque jour, chaque mois est compté. » Ils ont dû oublier les virées en Corse, la terre natale de Gilles. L’imposant fauteuil de Paul-Antoine n’est pas aux normes de l’aviation civile. Quant aux trajets en voiture, ils ne peuvent excéder quatre heures par jour.
Cette virée dans les Hauts-de-France est la seule solution adaptée pour eux afin de partir tous ensemble. Aux Bobos à la ferme, ils ont opté pour un « séjour douceur » : une proposition destinée aux familles accompagnant un enfant en soins palliatifs. Ils ont programmé des séances de balnéo et de snoezelen ainsi que de musicothérapie. Mais pas de relayage. D’ailleurs, Marie-Bella, comme Jean-Marc, refuse le terme d’aidant, mais pas pour les mêmes raisons : « On n’est pas aidant de son enfant,objecte-t-elle. C’est mon rôle de maman. Quand on se marie, c’est pour le meilleur et pour le pire. Eh bien là, c’est pareil. Faire des enfants, c’est les assumer, dans les bons comme les mauvais moments. »
Paul-Antoine, 18 ans, et sa petite soeur, Lou-Anne, sont accueillis avec toute leur famille pour un « séjour douceur ». Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
Depuis la maladie de son fils, Marie-Bella a cessé son activité professionnelle. Tous les jours, elle lève Paul-Antoine, se refusant à le laisser dans son lit. « Il est toujours avec nous, au cœur de la famille. » Aussi, quand, au détour du dossier de prestation de compensation du handicap (PCH), elle lit que l’institution considère qu’elle s’occupe de son fils quarante-cinq minutes par jour, elle en rirait presque pour ne pas en pleurer. Elle-même est restée quatre mois sans ressources avant que les aides ne se mettent en route. « On nous demande sans cesse de justifier la maladie de notre enfant », soupire Gilles. Comme un rappel cruel à une réalité qui ne l’est pas moins… Aussi perçoivent-ils leur séjour à la ferme comme une échappée familiale mais aussi une façon de recharger les accus : « On est ici dans un environnement très positif, note Marie-Bella. Élodie et Louis ont une énergie débordante qu’ils nous transmettent. »
L’héritage d’AndréaDe l’autre côté de la rue, effectivement, ça s’enflamme, et pas qu’un peu. D’une pimpante bâtisse aux volets jaunes s’échappe la voix de stentor de Johnny Hallyday, bien décidé à « allumer le feu ». Manon, jeune ado autiste, et Robin, 8 ans et demi, porteur de trisomie 21, en compagnie de Morgane et de Caroline, les éducatrices spécialisées, ont déclenché un véritable incendie vocal. En ce samedi matin, ils sont gardés quelques heures dans cette Maison des parents aidants fondée par les Dransart. Lieu pluriel, il est aussi bien endroit d’écoute, de rencontre que centre de loisirs où les enfants peuvent être accueillis pour quelques heures avec des activités. Matthieu est là lui aussi et achève, sous la houlette de Caroline, l’album de photos de ses vacances. Le temps presse car, dans quelques heures, il repart vers Amiens avec Bénédicte.
Manon partage les photos de son album souvenir avec Laura, relayeuse. Delphine Lefebvre pour La Croix L’Hebdo
Dans le gîte Nina, Lydia, elle aussi, est sur le départ. Elle jette un dernier regard sur la terrasse qui jouxte la maison. Elle soupire : « Avant l’accident de Wassim, le moment que je préférais, c’était le petit déjeuner. Aujourd’hui, cette pause n’existe plus. Aujourd’hui, quelle que soit mon humeur, je dois aller dire bonjour, parler aux aides-soignants, même si je n’ai pas envie, même si je suis fatiguée. Ce moment, je l’ai retrouvé ici, à boire mon café en sentant l’air, en écoutant le vent. » Elle jette un œil au fauteuil installé sur la terrasse et, d’un grand éclat de rire, balaie le soupçon de spleen qui commençait à voiler son regard : « Autant vous dire que je vais la regretter, cette chaise ! » Bénédicte aussi s’apprête à dire au revoir aux Bobos, avant un retour sans doute l’été prochain. « Je sais que la société n’est pas belle, mais il y a encore des gens bien. Il ne faut pas désespérer », lance-t-elle, comme un hommage au travail des relayeuses et d’Élodie et Louis. Et à leur fille, Andréa, décédée en 2024, dont l’héritage n’a pas fini de fleurir.
Entretien
« Ce problème devient celui de tous, or on regarde ailleurs »
Pour Simon de Gardelle, directeur de l’Association française des aidants, la multiplication d’initiatives comme celle des Bobos à la ferme devrait reposer sur des politiques publiques ambitieuses à la hauteur des enjeux à venir.
La Croix L’Hebdo : En 2022, le baromètre des aidants BVA-Fondation April pointait du doigt le fait qu’un aidant sur deux ignore qu’il est aidant… Quels sont les critères qui permettent de se définir comme tel ?
Simon de Gardelle : Il faut d’abord être proche de la personne aidée, au sens où vous n’êtes pas un professionnel du soin mais avez une relation familiale ou amicale avec elle. Quant à la personne aidée, elle doit se trouver en situation de vulnérabilité ce qui signifie qu’elle est malade, porteuse d’un handicap et/ou en perte d’autonomie. Il faut que ce soutien soit quotidien ou quasi quotidien, qu’il s’agisse de soins, d’aide administrative ou financière. En France, on compte 9,3 millions d’aidants.
Y a-t-il un profil type de l’aidant ?
Chaque expérience est singulière mais il existe des dénominateurs communs. Les aidants nous disent tous l’impact que ce rôle a sur leur vie sociale ; sur leur santé, sur leur travail. Ils sont aussi nombreux à éprouver ce mouvement de balancier entre la culpabilité de ne pas en faire assez et l’épuisement. On peut aussi noter que l’aidant est majoritairement – à 56 % – une aidante. Les femmes sont plus impliquées dans le soin, la toilette, les « dirty jobs », comme on les appelle. Les hommes vont prendre en charge davantage le soutien administratif et financier, ils sont plus distanciés. Ce qui, en réalité, est à l’image de ce qui se passe dans les foyers français.
En 2022, au cours de la campagne pour les présidentielles, le candidat Macron promet deux semaines d’aide par an pour les aidants. « Le quinquennat à venir marquera une nouvelle étape pour les aidants », indiquait-il. Est-ce le cas ?
Pour nous, il s’agit d’un rendez-vous manqué. Il n’est pas anodin de noter qu’Emmanuel Macron, quand cette vidéo est diffusée le 26 mars 2022, est alors candidat. On peut donc se dire que les aidants émergent comme corps social à séduire. Le 6 octobre 2023 a effectivement eu lieu le lancement de la stratégie « Agir pour les aidants ». Une première avait déjà été déployée en 2019 avec des fonds dédiés. Or, en 2023, peu d’éléments ont été budgétés et une seule réunion a eu lieu depuis.
Les choses bougent mais pas à la mesure des enjeux. Certes, le 19 août 2025, un décret sur le relayage de longue durée a paru et permet de faire appel à un même professionnel durant six jours en offrant la possibilité de déroger au droit du travail. Mais, les aidants de proches malades ne sont pas concernés à la différence d’aidants de proches âgés ou porteurs de handicap. Quant au droit au répit, il existe dans la loi depuis 2015 mais est encore peu utilisé. Par méconnaissance mais aussi parce que certains départements ne le mettent pas en place. D’ailleurs, pour notre part, nous préférons parler de relais plutôt que de répit, qui a une connotation négative.
Pourquoi n’existe-t-il pas plus de lieux comme Les Bobos à la ferme ?
Parce que ce modèle repose sur l’énergie de ceux qui l’entreprennent, avec une course incessante aux financements. L’expérience des Bobos à la ferme tient beaucoup au courage d’Élodie et Louis Dransart. C’est leur réponse à une injustice forte. Le problème c’est qu’aujourd’hui, il n’existe pas de politiques publiques locales ou nationales qui viennent pérenniser des initiatives comme celle-ci. La formation proposée par les Dransart, en partenariat avec notre association, va permettre d’essaimer. Le modèle économique est encore fragile et repose trop sur le bon vouloir des financeurs privés.
Peut-on dire qu’en ne s’attaquant pas assez à la question du soutien aux aidants, l’État se situe dans la non-assistance à personne en danger ?
Oui, les proches aidants peuvent mettre leur santé en danger pour remédier notamment aux insuffisances du système de soins. Le problème, c’est la vision court-termiste de nos dirigeants. Évidemment, j’entends la logique budgétaire. Mais, avec le vieillissement des baby-boomers, on se trouve face à un mur démographique. Ce problème devient celui de tous, or on regarde ailleurs. Cela demande une réorganisation profonde de la Sécurité sociale. D’une ampleur qui dépasse la durée d’un seul mandat présidentiel.
Pour aller plus loin
• À faire : la journée débat du Club Landoy
Dans le cadre de la Journée nationale des aidants, le Club Landoy organise le 26 septembre un temps spécial dédié aux aidants en entreprise autour d’un triptyque : « Écouter, agir, valoriser. » Au programme, entre autres, une table ronde sur la libération de la parole en entreprise autour des situations d’aidance, une autre sur la charge mentale des aidants ou encore sur la valorisation de leurs savoirs expérientiels.
• À lire : Aidants, ces invisibles
Bonne connaisseuse du monde des aidants, la docteure Hélène Rossinot est partie à leur rencontre dans cet ouvrage paru en 2019, émanation de la thèse qu’elle a soutenue en 2017 sur les aidants familiaux. Une lecture qu’on peut compléter d’une autre, plus pratique, de la même autrice : son Guide du proche aidant (Pocket), au sous-titre éloquent : Comment vous occuper d’un proche tout en travaillant. Comment ne pas s’épuiser et se perdre soi-même.
Aidants, ces invisibles.Dr Hélène Rossinot. Éd. de l’Observatoire. 176 p. 17 €
• À voir : La Famille Bélier, d’Éric Lartigau
De nombreux films traitent, de façon plus ou moins centrale, du sujet de l’aidance. La Famille Bélier, sorti en 2014, a le double avantage de l’aborder sous l’angle de la comédie et de mettre en lumière la figure du jeune aidant. En l’occurrence Paula, 16 ans, qui épaule au quotidien ses parents malentendants, du cabinet de médecin jusqu’à leur étal au marché. Le film, immense succès populaire, montre avec sensibilité le conflit de loyauté qui peut saisir un ado aidant, tiraillé entre le soutien à sa famille et la nécessité de s’émanciper.
• À voir : Aidants, il est temps de les aider
Une immersion sensible présentée par Théo Curin, avec les comédiens Gwendoline Hamon et Max Boublil, qui prennent momentanément la place d’aidants. Suivi d’un débat dans « C ce soir ».
En partenariat avec La Croix. Mardi 30 septembre à 21 h 05 sur France 5 et sur france.tv