« La leçon d’anatomie du docteur Tulp ». Photographie imprimée sur bois de Youry Bilak. Kiev (Ukraine), 2015. Youry Bilak

Le photographe s’est rendu en Ukraine dès 2014 pour témoigner de la révolution du Maïdan, puis en zone de guerre dans l’est du pays, avec la volonté de montrer « l’humanité des soldats, leur beauté et leur singularité derrière l’uniforme ». Il souhaite réaliser des images sur lesquelles s’attarder, « pas des images qui finissent au fond de la poubelle aussitôt le journal refermé. Après les accords de Minsk, le conflit au Donbass s’enlisait, les photos que je prenais dans les tranchées n’intéressaient plus personne ».

Né à Villeurbanne de parents ukrainiens réfugiés après la Seconde Guerre mondiale, Youry Bilak retourne au front avec en tête les chefs-d’œuvre de l’art occidental : La Leçon d’anatomie de Rembrandt, Le Cri de Munch, La Liberté guidant le peuple de Delacroix… Ses modèles, ce sont les hommes et femmes rencontrés sur le terrain : Lina la psychologue murmure à l’oreille du volontaire Ivan, dans une recomposition pleine de douceur de Saint Matthieu et l’Ange de Rembrandt ; Alina, la secouriste volontaire rencontrée à Sloviansk devient, l’espace d’un moment suspendu, La Jeune Fille à la perle de Vermeer…

La secouriste ukrainienne photographiée par Youry Bilak (G) et La Jeune Fille à la perle de Vermeer(D).(détails.)

Inspiré par le clair-obscur de la peinture flamande, le photographe invite à prendre le temps car « tout n’est pas donné au premier regard ». Les photographies sont imprimées sur des planches fabriquées à partir des caisses de munitions rapportées du front. Traces de brûlures, impacts de balles, les stigmates de la guerre sont encore visibles sous la couche de gesso, donnant à ces photographies des allures d’icônes contemporaines.

« Scènes de front » interroge les codes de la représentation de la guerre et son esthétisation. Question qui est au cœur de la 2e édition du festival Images de guerre, guerre des images (2), dont la guerre des tranchées constitue le fil rouge de la programmation. Des champs de bataille de Lorette en 1915 à la ligne de front du Donbass un siècle plus tard, comment les images de la guerre façonnent-elles notre mémoire collective ?

(1) « Scènes de front » par Youry Bilak au centre d’histoire du Mémorial 14-18 Notre-Dame de Lorette à Souchez (Pas-de-Calais). Entrée libre jusqu’au 4 janvier 2026.