Pourtant, la réalité est tout autre. Dans leur ouvrage Quand la France se détourne de la science, l’économiste Karine Berger et Grégoire Biasini, fondateur du cabinet de conseil Palomar, tirent la sonnette d’alarme : les conditions qui ont permis l’émergence des mouvements antiscience outre-Atlantique sont désormais réunies en France.

Depuis quelques années, les attaques contre la science prennent une ampleur inédite. En un demi-siècle, la part des Français estimant qu’elle apporte plus de bien que de mal a été divisée par deux – cette opinion étant devenue minoritaire. Le signe le plus visible de cette dynamique reste le mouvement antivax, auquel la France demeure particulièrement perméable. « La science est aujourd’hui attaquée parce qu’elle est synonyme de progrès depuis deux siècles, et que le progrès ne fait plus consensus dans une société inquiète, défiante et émotive », analysent les auteurs.

À tout le monde. Ceux qui observent cette montée de la défiance envers la science et s’en inquiètent, cherchant à en comprendre les mécanismes. À ceux qui, nombreux selon les auteurs, n’ont pas encore pris la mesure de cette alerte. Mais aussi à celles et ceux qui doutent. Car le phénomène traverse toute la société, quels que soient l’âge, le niveau d’études ou la région. Même si, chez les moins de 35 ans, l’adhésion à des croyances non scientifiques est nettement plus marquée.

Un chiffre illustre bien cette tendance : un Français sur deux considère que ce n’est pas parce qu’un scientifique spécialisé démontre un fait scientifique que c’est vrai. Et ils sont aussi nombreux à estimer que leur propre opinion sur une question scientifique vaut autant que celle d’un expert.

Cette lecture, fluide, est nécessaire. Les auteurs ne se contentent pas d’établir un constat, ils l’analysent en profondeur et proposent des pistes pour inverser la tendance. Le livre permet notamment de mieux comprendre l’un des moteurs essentiels de cette hostilité : la peur.

« Peu importe que l’espérance de vie ait constamment progressé, que les moyens de communication permettent à tous ceux qui le souhaitent de sortir de l’isolement, que l’on ait dans sa poche accès à toutes les connaissances possibles… Les sociétés inquiètes oublient les bénéfices du progrès et ne voient d’abord que les risques de dommages collatéraux »,expliquent-ils.

Cette crainte prend d’autant plus d’ampleur qu’elle s’ancre dans une faiblesse préoccupante du niveau scientifique général. Un Français sur quatre a aujourd’hui des acquis en mathématiques correspondant à ceux d’un élève de CM1. Mais l’école ne peut être tenue seule pour responsable. Il est indispensable de réintégrer la science dans notre quotidien, et d’en faire une culture vivante, accessible, et partagée par tous.