Le lundi 8 septembre, 150 entreprises en pointe dans l’électrique ont lancé un appel à Ursula von der Leyen pour l’exhorter à « ne pas reculer » et à entreprendre « des actions plus audacieuses pour sécuriser la position de leader industriel de l’Europe ».

Cette initiative rassemble des fabricants de batteries (Verkor, Samsung, LG Energy), des opérateurs de recharge (Fastned, Ionity, Alpitronic), des gestionnaires de réseaux (Iberdrola, EDP), des fournisseurs de matières premières (Talga, Orano, Rock Tech Lithium).

Deux constructeurs de voitures figurent aussi parmi les signataires : Volvo et Polestar, tous deux dans le giron du chinois Geely. Un autre chinois, le numéro mondial de la voiture électrique BYD, en pleine offensive sur le marché européen, s’est empressé d’appuyer leur demande, depuis le salon automobile de Munich.

« Nous avons besoin d’un cadre de vie durable, a plaidé Stella Li, vice-présidente exécutive de BYD, dans une interview à BFM Business. Il y a en Europe de très belles villes. Nous n’avons pas envie d’entendre du bruit ni de respirer la pollution. »

Les autres constructeurs, eux, réclament a minima un assouplissement. « Les objectifs de baisse de 55 % des émissions d’ici à 2030 et d’interdiction des ventes de voitures thermiques en 2035 ne sont pas réalistes tels que définis »,déclare Antonio Filosa, nouveau patron de Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, etc.), dans une interview aux Échos.

Une expression revient souvent chez les constructeurs : « neutralité technologique ». Ils reprochent à l’Europe (l’objectif de 2035 est le fruit d’un accord entre Commission, États et Parlement) d’imposer à cet horizon « le 100 % électrique ». Sauf que la formulation retenue se contente de bannir la vente de véhicules neufs émettant du CO2, sans préciser la technologie à privilégier. Les constructeurs allemands ont d’ailleurs déjà fait graver dans le marbre, en 2023, la possibilité de recourir à des carburants de synthèse.

En réalité, certains constructeurs espèrent surtout obtenir un autre mode de calcul, qui ne se baserait pas sur les émissions au pot d’échappement, mais qui s’inspirerait du concept de neutralité carbone fixé pour 2050 à l’échelle de l’Union (toute activité confondue). Un concept qui permet de recourir à des mécanismes de compensations.

Antonio Filosa suggère ainsi que les constructeurs investissant dans la décarbonation (réseaux de bornes de recharges ou R&D) puissent « bénéficier de crédits de compensation CO2 ». Le PDG de Stellantis, qui a annoncé le 8 septembre renoncer à son objectif de proposer 100 % de véhicules électriques en Europe en 2030, insiste aussi pour que l’on puisse utiliser des biocarburants et que « l’apport »des hybrides – très prisés du public – continue d’être « valorisé ».

Le même jour au salon automobile de Munich, Renault a dévoilé la version 6 de sa Clio, son best-seller vendu à 16 millions d’exemplaires, qui sera disponible en motorisation essence ou hybride mais pas en 100 % électrique… Une manière sans doute de ne pas faire d’ombre aux deux modèles électriques lancés récemment, la Renault 5 et 4L. Une façon peut-être aussi d’anticiper une reculade de l’Europe sur le « zéro émission » fixé pour 2035 ?

Mettant en avant une transition moins rapide que prévu (les immatriculations de véhicules électriques ont atteint 17,5 % du marché au premier semestre en Europe), les constructeurs avaient déjà obtenu, en mai, une victoire sur les nouvelles normes antipollution. Le calcul des émissions moyennes de leurs véhicules se fera finalement sur trois ans, et non chaque année, pour éviter de lourdes amendes, dès 2025, aux industriels en retard sur la décarbonation.

Ce mardi 9 septembre, le chancelier allemand Friedrich Merz a enfoncé le clou en appelant à « davantage de flexibilité » dans la réglementation européenne sur la mobilité électrique.