Quand un collègue lui a ensuite expliqué qu’il y avait des drones, le jeune homme a quitté son comptoir pour scruter le ciel. Il n’a rien vu, ni rien entendu. « Dehors, il y avait juste une voiture de police, et ils ne faisaient rien… C’est tellement embarrassant. Nous ne sommes même pas capables d’abattre un drone. C’est comme si nous n’avions pas d’armée », s’agace-t-il.

En une semaine, cinq aéroports danois, dont celui de la capitale Copenhague, et plusieurs bases militaires ont ainsi reçu la visite inopinée de drones, provoquant des interruptions de trafic. Une affaire qui a démontré l’impréparation du pays pour faire face à ce genre de situation.

« Le Danemark n’a plus de système de défense antiaérienne. Il y a vingt ans, il a été décidé qu’il n’en avait plus besoin car cela coûtait cher et il ne voyait pas de menace dans son environnement immédiat. Aujourd’hui, le pays est en train de changer de posture. La défense est devenue le premier poste de dépense, à hauteur de 3 % du PIB. Mais cela prend du temps pour combler les trous capacitaires », relève Olivier Schmitt, professeur au collège royal de défense à Copenhague.

En attendant, chaque nuit, le même scénario se répète : plusieurs drones de la taille de petits avions circulent durant des heures au-dessus de sites sensibles, sans que les responsables soient identifiés. La police décrit une opération très organisée et reconnaît son impuissance. La première ministre, Mette Frederiksen, évoque un acte de « guerre hybride ».Elle a rapidement pointé du doigt la Russie, qui a démenti.

D’où viennent donc ces engins ? « Le plus probable est qu’ils ont décollé d’un navire russe en mer. Mais il est très difficile de les suivre au radar », note Olivier Schmitt.

L’inquiétude des Danois est palpable : la police reçoit plus de 500 appels par jour de personnes qui croient avoir entendu des drones. Dans cette société basée sur la confiance et qui a fait de la recherche du bien-être son projet collectif, cet épisode amène de nombreuses questions : « Qui peut ainsi nous en vouloir ? Les autorités en savent sans doute plus que nous… », espère Henrik, qui tient une boutique de jeux vidéo dans le hall de l’aéroport.

Jusqu’ici, le « petit » Danemark se sentait en sécurité, protégé par son appartenance à l’Otan. Aalborg est une tranquille cité du Jutland, balayée par le vent du Nord, qui compte 150 000 habitants. On y fabrique des éoliennes et on y produit de l’aquavit, l’alcool local. L’aéroport enregistre une quarantaine de vols par jour vers la Méditerranée ou le reste de la Scandinavie. Le personnel a reçu la consigne de ne pas s’exprimer, mais aucune mesure de sécurité particulière ne semble avoir été prise.

Ce n’est pas le cas dans le reste du pays. Copenhague reçoit une quarantaine de chefs d’État, les 1er et 2 octobre, pour un Conseil européen puis une réunion de la Communauté politique européenne. Sur le qui-vive, le gouvernement a interdit pour cinq jours tous les décollages de drones. Il a aussi accepté l’aide de ses voisins : l’Allemagne a envoyé une frégate, tandis que la Suède et la France déploient dans la capitale des systèmes de défense antiaérienne.

Pour envoyer un signal à la Russie, le Danemark a fait voler, le dimanche 28 au soir, ses chasseurs F-35 au-dessus de l’île de Bornholm. Située dans la Baltique, elle est le point le plus oriental du Danemark, à seulement 350 km de l’enclave russe de Kaliningrad.

L’Allemagne et la Norvège touchées